Mariée à l’âge de 17 ans, Eva Aktar, une jemme femme du Bangladesh, est tombée enceinte peu de temps après. Elle a subi un accouchement douloureux de 30 heures, pendant lesquelles son bébé arrivé à terme est mort. Une césarienne aurait presque certainement sauvé le bébé, mais ni Eva ni sa famille n’avaient les moyens de payer les frais de 250$ requis pour l’opération.
Après son accouchement éprouvant, Eva a été informée par son médecin qu’elle avait développé une fistule obstétricale: le travail prolongé avait entraîné un orifice entre le vagin et le rectum ou la vessie, ce qui rend la femme incontinente et cause des odeurs d’urine et de matières fécales. À cause de la fistule, le mari d’Eva et son mari l’ont abandonnée, mais elle a persévéré en obtenant finalement une opération pour réparer sa fistule, avec l’aide d’un ancien employeur. « Je prévois de me remarier – mais pas maintenant, » dit-elle. « Je veux avoir une belle-famille qui me soutient, et je veux dire à toutes celles qui souffrent de fistule de se faire aider. »
La plupart des Américains n’entendent jamais des récits poignants tels que celui d’Eva, car nous avons réussi à éliminer la fistule au début des années 1900. Et pourtant cela pourrait arriver à n’importe quelle femme dans n’importe quelle région du monde. La situation d’Eva est différente de celle d’une femme vivant aux États-Unis en raison des progrès et de l’accès aux soins maternels. Le fait que cette maladie persiste de nos jours au Bangladesh et dans d’autres pays en développement montre non seulement l’état déplorable des soins maternels, mais également un refus plus systémique du droit des femmes à la santé – et toutes les ramifications physiques, sociales, économiques et psychologiques de ce refus.
Pour les environ 2 millions de femmes qui vivent actuellement avec la fistule, la souffrance physique qu’elles subissent n’est que la partie émergée de l’iceberg. Elles sont également confrontées à une stigmatisation sociale profonde: bien trop souvent, les femmes atteintes de fistule sont divorcées de leurs maris, elles sont en froid avec leur famille et leurs pairs, tandis que d’autres signalent qu’elles sont ignorées par les agents de santé, ignorées par leur employeur ou simplement trop handicapées pour faire leur travail – ce qui perpétue une grave disparité entre les sexes dans les communautés et les pays à travers le monde.
Si nous souhaitons vraiment améliorer l’égalité de genre – surtout lors de la Journée Internationale de la Femme– nous devons oeuvrer pour l’éradication de la fistule et d’autres maladies qui marginalisent et inhibent les femmes dans des sociétés patriarcales par définition. Outre l’énergie et les ressources consacrées à la déstigmatisation de la maladie, l’offre de services de réinsertion, et la réinsertion des femmes dans la société, nous devons inciter – et aider- les pays à renforcer leurs capacités pour la chirurgie réparatrice de la fistule. Pour ce faire, il faut briser les vases clos au sein desquels la communauté de la santé mondiale a généralement fonctionné: nous devons intégrer les soins chirurgicaux essentiels dans chaque plan de santé nationale et chaque système de santé.
Cela implique tout d’abord, d’éduquer les femmes et les communautés par rapport aux signes d’alerte et aux complications de la fistule, ainsi qu’aux options de traitement disponibles. Deuxièmement, cela suppose de veiller à ce que les femmes aient les moyens d’atteindre ces services, que l’obstacle concerne le transport ou leur caractère abordable sur le plan financier. Enfin, et surtout, cela implique de doter des établissements de santé des ressources afin de fournir des soins chirurgicaux de haute qualité si et quand les femmes se présentent avec une fistule: les hôpitaux et les cliniques disposant de salles d’opération doivent avoir avec un équipement et des fournitures fiables pour la chirurgie réparatrice de la fistule, et des cliniciens formés pour assurer les interventions de manière efficace et respectueuse. Au delà du traitement de la fistule, ces améliorations permettraient de veiller à ce que les systèmes de santé des pays soient prêts pour toute urgence éventuelle, tout en apportant d’innombrables contributions à leur économie.
Aucune femme ne doit souffrir d’une maladie incapacitante aux conséquences sociales, financières et psychologiques durables – surtout sachant que nous avons les connaissances et les outils pour empêcher cette maladie. Il est temps de que nous affrontions cette tragédie persistante de la fistule avec détermination: par le biais de la sensibilisation, de l’offre de services de soutien social, de la mise en relation des femmes avec les soins, et de la mise en place de capacités pour assurer des opérations sûres et abordables. Si nous le pouvons, non seulement nous verrons que moins de femmes souffriront de cette maladie dévastatrice, mais nous ferons également office de guide dans un monde où les femmes sont plus autonomes, les sociétés plus équitables, les pays plus productifs, et le monde davantage voué à la prospérité.
Docteur Lauri Romanzi est chirurgienne et Directrice du Projet Fistula Care Plus à EngenderHealth. Erica Frenkel est la Chef d’exploitation du Gradian Health Systems, une entreprise sociale qui équipe des hôpitaux à faibles ressources pour conduire des opérations en toute sécurité. Mira Mehes est la Directrice Exécutive par interim de la Global Alliance for Surgical, Obstetric, Trauma and Anesthesia Care (The G4 Alliance).