Le 10 Avril, 2017, Fistula Care Plus (FC+) a organisé un séminaire en ligne sur le thème, « après la réparation de fistule : identification des besoins des femmes en Ouganda », le troisième de sa série de séminaires en ligne concernant les pratiques de la Communauté de la Fistule (FCoP). Le séminaire, animé par Bethany Cole, la directrice des projets mondiaux de FC+, a présenté Dr Alison El Ayadi du Centre Bixby d’ UCFS pour la Santé de reproduction Mondiale, aussi bien que les commentaires des directeurs de programme de FC+, Dr. Rose Mukisa d’EngenderHealth Ouganda et Dr. Moustapha Diallo d’EngenderHealth en Guinée.
Beaucoup de programmes mondiaux de fistule, y compris FC+, se focalisent sur l’identification des femmes qui vivent avec une fistule en les mettant en relation avec les services de traitement les plus nécessaires. Cependant, beaucoup de programmes de la fistule ne sont pas capables de suivre les femmes après leur sortie des soins. Par voie de conséquence, la réussite de la réintégration des patientes et leurs trajectoires sanitaires physiques et mentales ne sont pas bien comprises. Etant donné que la fistule est une maladie qui a de profonds impacts physiques et psychosociaux, ceci constitue une lacune que la communauté de fistule doit combler.
Afin de mieux comprendre les résultats à long-terme de la réparation de la fistule, l’Université de Makerere en Ouganda et l’Université de Californie à San Francisco ont récemment mené une étude longitudinale afin de développer un système d’évaluation du succès de la réintégration postopératoire et de documenter les changements dans la santé physique et mentale chez les patientes ayant subi une réparation de la fistule. En utilisant un système de méthodes mixtes d’explorations séquentielles, l’équipe d’étude a suivi 60 femmes qui ont subi une opération de fistule à l’Hôpital de Mulago depuis le jour de leur opération jusqu’à une année après. De plus une recherche qualitative était menée avec 33 participants pour mieux comprendre les expériences des femmes à travers leurs propres paroles. Les résultats ont révélé des améliorations significatives en ce qui concerne la santé mentale et physique postopératoires des femmes, mais également des défis documentés pour leur rétablissement. Ceux-ci comprennent:[i]
- Alors que les indicateurs ont révélé de manière générale des améliorations pendant la période de suivi postopératoire, certaines séquelles physiques et mentales (la douleur, la douleur pendant la miction, la faiblesse, la stigmatisation que l’on subit) n’étaient pas totalement résolus 12 mois après l’opération chirurgicale ;
- Des besoins importants non satisfaits en matière de planification familiale ont été identifiés ;
- Parmi les 7 grossesses enregistrées pendant la période de suivi, quatre ont débouché sur un avortement brutal ou une mortinaissance ;
- La reprise de l’activité sexuelle s’est déroulée de manière progressive au cours de la période de suivi, mais plus de la moitié des femmes ont rapporté un certain niveau d’insatisfaction 12 mois après l’opération.
Les résultats des études identifient les domaines prioritaires à prendre en compte pour les programmes afin de permettre une approche véritablement holistique concernant la réintégration et le traitement de la fistule. Ils ont également suggéré que la réalisation d’interventions ciblées y compris les conseils en matière de santé mentale, l’éducation à la santé, la physiothérapie et l’ergothérapie, et l’assistance économique pour les femmes et leurs familles pourraient améliorer la guérison post-réparations et faciliter la réintégration communautaire.[ii] Pour parer au risque élevé d’effets indésirables lors de grossesses ultérieures, les programmes de fistule et/ou les cliniciens doivent envisager la mise en œuvre d’un suivi permanent des femmes après la chirurgie afin de minimiser les risques lors des grossesses ultérieures. En outre, les programmes doivent viser à renforcer l’intégration du planning familial dans les services de fistule afin de répondre aux besoins élevés postopératoires des femmes qui demeurent insatisfaits.
Pendant le séminaire en ligne, Dr Ayadi a examiné ces résultats d’études, tandis que les commentateurs Dr. Diallo et Dr. Mukisa ont parlé des implications de ces résultats pour le projet FC+. Le séminaire a suscité un débat animé au moment des questions et réponses, y compris de nombreuses questions qui n’auraient pas pu être posées pendant le séminaire d’une heure lui-même. En outre, Dr. El Ayadi a répondu à une sélection de questions qui n’avaient pas été abordées pendant le séminaire.
Question 1 : Aucune corrélation entre la vie sexuelle (particulièrement de timing) et les résultats en matière de mauvaise santé et de bien être dans l’étude de la population ?
Dr. El Ayadi: Ceci constitue un domaine d’intérêt, cependant, nous n’avons pas encore l’analyse complète des données pour affirmer une telle relation.
Question 2 : Une amélioration notée après l’intervention ? (en d’autres termes, existe-t-il une relation entre les services d’intervention et le bien-être psychosocial ?)
Dr. El Ayadi: Notre étude était basée sur l’observation et en tant que telle n’était pas en mesure de répondre directement à cette question; cependant, nous envisageons de mener et d’évaluer l’efficacité des interventions pour la réinsertion postopératoires. Dans la littérature il est soutenu l’idée que les services de réinsertion postopératoires tels que le counseling améliorent de manière significative l’état psychologique parmi les femmes et les filles atteintes de fistule.
Je voudrais encourager qui offrent actuellement des programmes de réinsertion à évaluer et noter les détails des interventions et des évaluations disponibles à l’intention de la plus large communauté des prestataires des soins de fistule afin que nous puissions tous apprendre de leurs efforts.
Question 3 : L’étude a-t-elle l’intention de faire un suivi après 12 mois? Sinon, recommandez-vous cela pour les programmes ?
Dr. El Ayadi: Notre intention n’était pas un suivi après 12 mois, cependant, la preuve naissante d’un risque accru d’effets indésirables périnatals parmi cette population constitue un solide argument pour augmenter la durée du suivi afin de capturer les expériences de reproduction ultérieures.
Question 4 : Comment l’activité sexuelle est mesurée à différents moments ?
Dr. El Ayadi: Notre étude a mesuré l’activité sexuelle de manière très simple, en demandant aux participants à l’étude si elles avaient repris leur activité sexuelle à chaque collecte de données. Cela était suffisant pour les objectifs de notre étude, mais la réalisation de différentes mesures d’activité sexuelle pourrait être nécessaire pour comprendre certaines questions telles que les impacts sur la fertilité, etc.
Q5 : Comment la question sur la satisfaction ou l’insatisfaction sexuelle est posée /formulée?
Dr. El Ayadi : La question sur la satisfaction sexuelle était tirée directement de la mesure BREF de la Qualité de Vie de l’Organisation Mondiale de la Santé qui se lit « quel est votre degré de satisfaction de votre vie sexuelle ? » et comprend une échelle LIkERT d’options pour les réponses : très satisfaite, insatisfaite, ni satisfaite ni insatisfaite, satisfaite, très insatisfaite. Une exploration plus approfondie du sujet de satisfaction sexuelle parmi cette population bénéficierait de questions plus nuancées et de méthodologies qualitatives/
Q6 : Notre collègue Alex souligne que nous avons également observé des effets indésirables (à la fois la récidive de la fistule et la santé génésique) dans notre étude longitudinale en Guinée. Etant donné l’expérience similaire en Ouganda, qu’est ce qui est nécessaire pour améliorer la santé des femmes et pour prévenir ces effets indésirables postopératoires?
Dr. El Ayadi : Le suivi postopératoire et le renvoi sont nécessaires pour permettre à chaque femme de recevoir des soins de grande qualité et d’accoucher par césarienne pour toutes les grossesses postopératoires. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour comprendre les mécanismes qui découlent de ces effets indésirables et comment les prévenir.
Q7 : Est ce que les résultats fournissent une information ou une directive en ce qui concerne l’implication des hommes dans la période de 12 mois après la réparation? Ils peuvent être d’un apport non négligeable dans le processus de guérison.
Dr. El Ayadi : Le soutien social, y compris par les partenaires, s’est révélé comme étant un important facteur dans l’assistance aux femmes atteintes de fistule. Ceci est une chose qui fera l’objet d’une enquête dans nos données mais reste présentement sans résultats.
Q8 : Est ce que les femmes qui ont accouché par voie vaginale plutôt que par césarienne après la réparation de fistule en ont donné les raisons?
Dr. El Ayadi : Nous n’avons pas systématiquement saisi cette donnée mais sur la base des informations données à notre enquêteur de recherche lors de la collecte de données, deux des femmes avaient l’intention de subir une césarienne tandis que l’une d’entre elles n’en voulait pas. Parmi les deux qui voulaient l’accouchement par césarienne, l’une d’entre elles a eu un travail rapide et a accouché immédiatement son arrivée à l’hôpital malgré un départ à temps. L’autre a eu un retard pour arriver à l’hôpital à cause d’un manque de moyen de transport, et est arrivée trop tard pour la césarienne.
Q9 : Pourriez-vous clarifier ce que vous entendez par score d’intégration?
Dr. El Ayadi : Ce ci renvoie à la mesure de la réussite de l’intégration que nous avons élaboré en tant qu’un des objectifs de l’étude afin d’améliorer l’évaluation du processus de guérison postopératoire chez les femmes qui ont subi une réparation de fistule. Notre publication sur l’élaboration et la validation de cette mesure est actuellement en cours d’examen et nous espérons pouvoir bientôt la partager avec la communauté de fistule.
Q10 : En examinant les résultats psychosociaux au suivi, avez-vous stratifié les données pour déterminer si le succès de l’opération chirurgicale (y compris l’incontinence résiduelle) était un modérateur de l’amélioration psychosociale ?
Dr. El Ayadi : Nous sommes toujours en pleine analyse des données; cependant, ceci est une question primordial et nous serons bientôt en mesure de faire un rapport là- dessus.
Q11 : L’échantillon est-il assez large pour que les résultats soient généralisables pour la communauté Ougandaise dans son ensemble? Considérez-vous ceci comme une étude pilote, et recommandez-vous qu’une étude ultérieure plus large soit menée, peut-être avec une composante d’intervention ?
Dr. El Ayadi : L’étude que nous avons présentée est basée sur l’observation. Notre échantillon peut tout à fait être considérée comme représentative des femmes qui souhaitent un traitement pour une fistule obstétricale à l’Hôpital de Mulago au cours de la période de recrutement, compte tenu des quelques refus de participer. Sur la base de nos résultats, je recommande qu’un suivi systématique soit mené suite à la chirurgie de fistule obstétricale et qu’une étude d’intervention pilote soit lancée.
Les participants ont également exprimé leurs préoccupations concernant l’accouchement postopératoire par voie basse étant donné la possibilité de récidive de la fistule.
Dr. El Ayadi : En vérité, la littérature soutient la nécessité d’un accouchement par pour toute grossesse post-réparation afin de réduire les risques de récidive de la fistule.
Dr. Alison El Ayadi, ScD, MPH, est un chercheur assistant au Centre BIXBY pour la Santé Mondiale de la reproduction à l’Université de Californie, San Francisco. Son programme de recherche est axé sur la réduction des disparités en ce qui concerne la santé maternelle dans les pays en développement à travers des interventions qui ciblent les facteurs structurels, sociaux, et inter personnels. Elle est titulaire d’une bourse de développement de carrière pour tester une intervention globale qui vise l’amélioration de la guérison des femmes atteintes de fistule obstétricale. Elle a reçu son ScD de l’Université de Harvard, son MPH en santé de reproduction de l’Université de Tulane, et son BA de Colby College.
Le projet de Fistula Care Plus, en coordination avec l’Agence Américaine pour le Développement International gère le FCoP. L’objectif de FCoP est de faciliter l’apprentissage collectif, le partage de connaissances, la coordination et le développement de ressources techniques liées aux soins préventifs, la détection, le traitement, et le soutien pour la réinsertion des femmes, leurs familles, et leurs communautés, afin de tirer parti de l’ensemble de la conversation et de l’activité autour de la fistule.
[i] El Ayadi, A. (2017). La santé physique et mentale après une chirurgie obstétricale en Ouganda [diapositifs en PowerPoint]. (Récupéré le 10 Avril 2017.)