Blog de MHTF [Partie 2] la Fistule Obstétricale: les voix des femmes

Initialement posté sur le blog de MHTF 

Par Kayla McGowan, coordinateur de projet, Women and Health Initiative, Harvard T.H. Chan School of Public Health ; Sarah Hodin, Project Coordinator II, Women and Health Initiative, Harvard T.H. Chan School of Public Health

Lire [Partie 1] la fistule obstétricale: Défi mondial de la Santé Maternelle

En dépit des différents contextes politique, économique, et socioculturel, les femmes qui font face à une fistule obstétricale ( FO), racontent souvent les mêmes histoires. La plupart ont reçu des soins extrêmement pauvres sur le plan qualitatif, et ont été stigmatisées par leurs familles et leurs communautés et elles ont lutté pour leur réhabilitation et leur réinsertion après leur opération  de la fistule.  Cependant, beaucoup d’histoires de ces femmes  illustrent aussi leur détermination et leur espoir pour l’avenir.

Soins de mauvaise qualité, manque de respect et abus

« Dans le centre de santé de mon village, il me semblait que l’infirmière utilisait un objet pointu, mais après l’avoir utilisé elle m’avait blessé…Il y avait deux infirmières qui m’avaient blessé, elles avaient pressé mon ventre afin de mettre une pression pour que le bébé puisse sortir. Lorsque la sage-femme qualifiée est arrivée, c’était trop tard; elle m’a demandé  qui a fait un trou  dans la vessie, et les infirmières ont dit que c’est elles qui l’ont fait. Tout était mauvais, rien ne s’est bien passé.” [République Démocratique du Congo]

« Certaines ont mis de chiffons dans ma poche; d’autres ont attaché mes pieds, tandis que d’autres me pinçaient, en me disant de pousser. A la fin, j’étais épuisée, et de l’écume commençait à sortir de ma bouche. Il n’y avait aucun progrès ; le bébé était coincé dans le bassin, quand je levais mes jambes mon bébé pouvait facilement être vu. Il était coincé entre mes deux jambes. Après plusieurs heures mes jambes étaient engourdies et je ne pouvais pas marcher. » [Tanzanie]

“Les médecins m’ont examinée. Elles ont conclu que je ne pouvais pas avoir un accouchement normal; et que ce sera par une opération…mais le docteur n’était pas à l’hôpital. Ils ont essayé de le contacter mais j’ai dû attendre 24 heures avant que le docteur n’arrive pour faire l’opération. » [Ouganda]

La douleur et la souffrance

« Submergée par la douleur, ne pouvant pas manger comme d’habitude, étant devenue trop maigre, passant la plupart du temps au lit et rampant dans la maison comme un enfant et étant dépendante des gens pour des choses simples, comme manger, boire, et s’habiller. » [Ethiopie]

“J’avais l’habitude de préparer du riz, mais ma maladie m’a obligé d’arrêter. Mes ventes ont commencé à chuter étant donné que les rumeurs sur mon incontinence se répandaient, jusqu’à ce qu’un jour je n’ai fait aucune vente et j’ai perdu mon capital. Depuis lors, j’ai perdu mon travail. [Ghana]

« [Avant ma fistule  il] me soutenait mais pas toujours. Financièrement il n’était pas stable. Il ne se limitait pas à une seule femme ainsi je trouvais qu’il était dangereux pour moi. Après avoir constaté que j’avais des fuites il commença à aller ici et là-bas ainsi j’ai décidé de m’éloigner de lui. » [Tanzanie]

« En te réveillant, tu trouves que l’urine s’est répandue sur tout le lit, jusqu’à mouiller tes cheveux. Alors tu ressens la corvée  de changer la literie et d’en mettre des secs…tu as peur de boire pour que l’urine ne sorte pas beaucoup. Alors encore une fois l’urine qui arrive quand tu n’as rien pris a une mauvaise odeur. » [Ouganda]

«  ……je ne sais pas comment je parviens à survivre car j’ai perdu mon enfant et mon mari n’entretient pas de relation sexuelle avec moi  je me sens une moins que rien  et parfois je suis si abattue au point de me suicider…. » [Zimbabwe]

La stigmatisation sociale

“Je ne peux pas sortir dans ma communauté. Je ne peux pas me promener. Je dois mettre un tampon hygiénique tout le temps. Je dors dans un lit séparé. Mon mari ne se plaint pas. Je n’ai pas envie d’avoir des relations sexuelles.  Des fois je me refuse à mon mari. » [Erythrée]

« A cause de la puanteur qui suit la fuite, je passe la plupart du temps à nettoyer afin d’éviter. La gêne. Cependant, j’ai beau me nettoyer, mais je dégage toujours une mauvaise odeur. Parfois certaines personnes tiennent leur nez quand je m’approche d’elles, tandis que d’autres me font ouvertement la remarque que je suis en train de polluer l’air. Cette situation gênante me rend toujours malade et inquiète. »  [Ghana]

“Ils commencent à pointer du doigt la femme atteinte de fistule en disant, Celle-là! Elle souffre d’une maladie qui est en phase terminale; elle a le SIDA; c’est pourquoi elle a une fuite urinaire permanente. » [Kenya]

“Je n’ai plus d’amis; même les membres de ma famille ne veulent pas m’approcher. Je ne peux parler à personne parce qu’ils sont repoussés par l’odeur de l’urine. Je me sens seule et isolée. » [Ouganda]

La Détermination

« Avant,  je n’avais jamais pensé à moi. C’était toujours ma famille, mon mari ou certains de mes amis. Maintenant la vie m’a donné une grande leçon et je ne veux plus penser à personne d’autre. Je sens que je suis devenue égocentrique mais c’est nécessaire pour survivre et être heureuse. » [Ethiopie]

« La qualité de vie a été restaurée à l’état de mon adolescence quand je n’avais pas de fistule ? A présent je peux être avec mes amis sans problème? Je n’ai plus à mettre des choses pour qu’ils ne sachent pas que j’ai des fuites. La manière dont je vivais avant ma fistule est similaire à celle que je vis actuellement. » [Malawi]

Les interventions visant à  prévenir et traiter la FO doivent tenir  en compte l’ampleur des défis auxquels font face les femmes qui souffrent de cette maladie et surmonter les lacunes liées à l’accès, l’utilisation et la qualité.  Les programmes ancrés sur les principes de maternité acceptables et ceux qui utilisent des stratégies communautaires de base sont particulièrement bien placés pour réduire le fardeau de la FO de manière globale et pour aider les femmes qui en souffrent.

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