Croissance de la fistule iatrogénique alors que plus de femmes ont accès à la chirurgie

Initialement publié dans le New Security Beat du Wilson Center, 21 octobre 2015. 

Chirurgie réparatrice de la fistule au Centre de la Fistule Gynocare et  à la maternité d'Eldoret, Kenya,
Chirurgie réparatrice de la fistule au Centre de la Fistule Gynocare et à la maternité d’Eldoret, Kenya.

La fistule obstétricale est une lésion dévastatrice due à l’accouchement causée par le travail dystocique. Elle peut entraîner l’incontinence et l’infection, la stigmatisation sociale alors que d’autres femmes sont horrifiées, et sont même en proie  à la maladie mentale.  Chaque année entre 50 000 à 100 000 femmes sont affectées par cette maladie qui est totalement évitable avec une attention médicale appropriée.

Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai eu l’occasion de visiter trois hôpitaux de la fistule, au Mali et en Éthiopie. Les difficultés relatives à l’accès inégal aux soins sont évidentes dans ces établissements. Les poches intraveineuses sont tenues par des bâtonnets dans certains cas, et c’est un déchirement d’écouter l’histoire de chaque femme.

Aujourd’hui, au deuxième jour de la Conférence mondiale sur la santé maternelle et néonatale à Mexico, j’ai eu l’occasion d’en savoir plus sur le nouveau type de complications de la fistule qui fait son apparition.

Le Docteur Lauri Romanzi, qui s’est exprimée au Wilson Center en juillet, est la Directrice du Projet Fistula Care Plus  de l’USAID et d’EngenderHealth, elle a expliqué de quelle manière l’accès accru aux césariennes indépendamment de la qualité des soins, génère une augmentation du nombre des fistules iatrogéniques, une forme de fistule causée de manière non intentionnelle par un prestataire de soins.

Les fistules iatrogéniques sont parfois causées par des cliniciens inexpérimentés qui se retrouvent dans des situations diverses avec de nombreux patients. D’après des recherches menées par le Docteur Thomas Raassen, un chirurgien de l’organisation Operation Fistula, plus de 13% des fistules étaient iatrogéniques dans 65 hôpitaux d’Afrique de l’Est et d’Asie sur une période de 18 ans.

La fistule est un indicateur de l’inéquité

Raassen a insisté sur l’importance d’une meilleure formation (certains agents médicaux suivent une formation de deux mois seulement) et a suggéré que le personnel assure des césariennes sous supervision avant d’être affectés à des hôpitaux.  Les césariennes sont « simples jusqu’à ce qu’elles ne le soient plus, » a-t-il dit. Il s’agit d’interventions importantes et les erreurs peuvent causer de graves dégâts.

Il a également insisté sur le besoin d’avoir des alternatives aux césariennes, surtout dans les cas malheureux de morts fœtales après plusieurs jours de travail dystocique.

Ce n’est pas seulement une augmentation des césariennes de mauvaise qualité, a déclaré le Docteur SK Nazmul Huda, chef du projet Fistula Care Plus au Bangladesh. Il a partagé des données du National Fistula Center et de trois grands hôpitaux de Bangladesh indiquant que 27% des fistules étaient iatrogéniques de 2012 à 2014, mais trois quarts d’entre elles ont été causées par des hystérectomies de mauvaise qualité. Le manque d’accès à des soins de qualité touche les femmes pendant toute leur vie.

Dr Ganda Sanda de l’Hôpital National de Lamorde à Niamey au Niger, a mis en évidence les problèmes en rapport avec la classification et les données. Les fistules causées par la violence sexuelle ou la mutilation génitale  doivent-elles être considérées comme iatrogéniques? Comment empêchons-nous ces causes et comment préparons-nous les médecins pour y faire face?

Au cours de la session, Romanzi a insisté sur l’idée que la fistule est un indicateur de l’inégalité. Le nombre de fistules est en hausse à un moment où plus de femmes ont accès aux césariennes et aux hystérectomies, ce qui devrait être une bonne chose. Mais les femmes les plus pauvres ont plus de difficultés à accéder aux soins de qualité.

Je me réjouis à l’idée d’en savoir plus sur les questions d’équité et de qualité de soins demain.

 

Sandeep Bathala est en reportage depuis la Conférence mondiale sur la santé maternelle et néonatale à Mexico pour le Wilson Center, la Maternal Health Task Force, et le Fonds des Nations Unies pour la Population. Pour lire ce que les leaders de la santé maternelle disent de la conférence et ce que nous devons faire pour mettre un terme à la mortalité maternelle et néonatale évitable, consultez la  plateforme numérique Crowd 360 et inscrivez-vous pour recevoir un résumé quotidien  de la conference.

Crédit photo: Chirurgie réparatrice de la fistule au Centre de la Fistule Gynocare et  à la maternité d’Eldoret, Kenya, avec la permission de l’utilisateur de flickr Dining for Women.