Lauri Romanzi sur la Refonte des soins liée à la morbidité maternelle dans un contexte historique re-publié et issu de « New Security Beat » du Wilson Center.

Le post original se trouve sur le site Internet New Security Beat du Wilson Center. 

En mai 1855, le Docteur James Marion Sims a ouvert le premier hôpital de fistule obstétricale à New York. C’est seulement 40 ans plus tard qu’il a fermé ses portes, ce qui a montré un fort recul des taux de morbidité maternelle aux États-Unis et dans d’autres pays occidentaux.  L’Hôtel Waldorf Astoria occupe aujourd’hui le site de l’ancien hôpital. « Nous savons que nous avons éliminé la fistule obstétricale dans les pays à haut revenu ; cela s’est passé au début du 20è siècle, » a déclaré le Docteur Lauri Romanzi, Directrice du projet Fistula Care Plus, dans le podcast de cette semaine.

Ce timing est fondamental, signale Romanzi, car selon certains discours, des déterminants sociaux doivent être modifiés pour éradiquer la fistule dans les pays en développement aujourd’hui, il s’agit par exemple du mariage forcé, de la grossesse adolescente, de l’éducation et du vote des femmes, des soins prénatals, et de la violence fondée sur le genre.  Et pourtant au début du 20è siècle aux États-Unis et en Europe, bon nombre de ces déterminants « obligatoires » étaient loin des normes progressistes modernes (la grossesse adolescente reste considérablement plus élevée aux États-Unis que dans d’autres pays industrialisés).

Lors d’une intervention à l’occasion d’un événement sur l’Initiative sur la Santé maternelle au Wilson Center, Romanzi a déclaré que le tournant décisif pour l’éradication de la fistule dans les pays occidentaux a coïncidé avec l’avènement des anesthésies rudimentaires, telles que le chloroforme sur un tissu, qui a révolutionné les pratiques chirurgicales et rendu les césariennes plus acceptables pour les mères. « Cela a probablement été un élément déclencheur, dans ces cultures, » a-t-elle affirmé. « Nous devons réfléchir sur la nature de l’élément déclencheur d’aujourd’hui. »

 

Au-delà de la « Chasse à la truffe »

La fistule obstétricale est une lésion liée à l’accouchement, causée par le travail dystocique conduisant souvent à l’incontinence, à la stigmatisation sociale, aux infections voire aux maladies mentales.  Même si la fistule est presque toujours évitable et largement éradiquée dans les pays à haut revenu, elle reste un phénomène répandu dans le monde en développement. La prévention et le traitement sont très simples, signale Romanzi, pourtant les progrès sont lents, raison pour laquelle certains remettent en cause les approches existantes. Beaucoup de déterminants « obligatoires » étaient loin d’être des normes progressistes.

Romanzi indique que dans les pays où la fistule est plus fréquente, les taux de césarienne se situent autour de 5 pourcent, alors que le taux idéal en termes de prévention des morbidités maternelles est d’environ 15 pourcent. Mais l’accroissement du taux de césarienne sans tenir compte de la qualité des soins peut causer davantage de complications telles que la fistule iatrogénique, qui est une forme de fistule génitale causée par un prestataire de soins. La fistule iatrogénique est souvent beaucoup plus compliquée que les cas de fistule obstétricale et elle peut endommager les reins, explique Romanzi.

L’ « invisibilité » des soins de la fistule et de la morbidité maternelle en général, se reflète souvent dans les sources de financement. Un budget plus important pour un hôpital ouest-africain a contribué à l’augmentation du nombre d’accouchements pris en charge par la maternité, passé de 5000 à 15000 par an. Pourtant il n’y a toujours qu’un seul bloc opératoire, et la mauvaise qualité des soins a entraîné des complications chez beaucoup de femmes. « C’est une usine à fistules obstétricales », affirme Romanzi. Les patientes passent souvent d’un hôpital à un centre de la fistule situé en bas de la colline pour soigner ces morbidités maternelles.

« La fistule a fait l’objet d’une grande d’attention, et à juste titre, » dit-elle. « Mais il existe également beaucoup d’autres morbidités ». Romanzi propose de mettre en oeuvre un programme de dépistage du travail dystocique qui utiliserait bon nombre des ressources existantes pour répondre aux besoins multiples des patientes confrontées au travail dystocique, plutôt que de se concentrer sur la « chasse à la truffe » qui consiste à cibler la fistule.

Il est important d’examiner les nombreux facteurs contribuant à l’élimination des morbidités maternelles tels que les difficultés tenaces dans de nombreux endroits – les ratios patients par sage-femme, les programmes de formation sur les pratiques de sage-femme, la gestion des déchets, la sécurité de l’eau, les chaines d’approvisionnement médical, et autres, signale Romanzi. Elle suggère de se concentrer sur des systèmes localisés, multisectoriels, et autonomes qui se concentrent sur les disparités entre les pauvres et les riches pour améliorer tous les domaines de la santé des femmes.

« Le but est que chaque femme ait accès, à tout moment, à un établissement équipé et pourvu en personnel pour assurer un qualité de soins minimale, et dans lequel l’état de santé du bébé et de la mère sont optimisés », dit-elle, « et que les soins soient dispensés de manière humaine, bienveillante et attentive. »

Lauri Romanzi s’est exprimée au Wilson Center le 14 juillet.

Les podcasts du vendredi peuvent également être téléchargés sur iTunes.

Sources: Academy of Surgical Research, Center for Disease Control and Prevention [Centre américain de prévention et de contrôle des maladies], Fistula Care Plus, Fistula Foundation, Medscape, RH Reality Check, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la Santé